LES CONSOLES VIDEOPAC / ODYSSEY² Article rédigé par Blondex

Odyssey² en Amérique du Nord, et Videopac en Europe L’Odyssey², sortie en Europe sous le nom de Videopac, est une console intéressante à plus d’un titre, l’une des rivales de l’Atari 2600 qui ambitionna de se faire une place dans le marché vidéoludique, mais qui fut bien loin d'y parvenir. La Videopac est cependant un réel témoin d’une époque où le marché du jeu vidéo se cherchait encore ; c’était également une console novatrice pour son époque, mais la réalité a mis à mal les ambitions affichées à son lancement.


> De Magnavox à Philips

Le premier modèle de Magnavox Odyssey, toute première console de jeu commercialisée Magnavox est une entreprise américaine spécialisée dans les téléviseurs, postes de radio et téléphones. Le jeu vidéo devient logiquement un prolongement évident dans les activités de la société lorsqu'en 1971, Sanders Associates et son ingénieur Ralph Baer ("le père des consoles de jeux") contactent Magnavox pour leur proposer un prototype de console de jeu, la "Brown Box" ; une révolution qui permet de connecter une machine uniquement dédiée au jeu vidéo sur un téléviseur ! Le contrat est signé, et la Magnavox Odyssey, première console de jeu commercialisée de l'histoire, sort en 1972 avec son jeu de tennis qui allait inspirer peu après Pong d'Atari.
D'autres jeux seront proposés sur cette Odyssey, mais également des clones - des consoles à jeu dédié - sorties de 1974 à 1978.

Lorsque la société Magnavox est achetée par le groupe néerlandais Philips, sa division électronique décide de sortir une nouvelle console fin 1978. Aux Etats-Unis, elle prend logiquement le nom « Odyssey² », marquant la volonté de prendre la suite de l'Odyssey, une marque déjà bien implantée dans le marché nord-américain.
"Magnavox" et "Odyssey" sont en revanche des marques inconnues en Europe. Philips s'occupe donc directement de la commercialisation dans le même temps de la console, qui prend officiellement le nom de Videopac.

Si la stratégie nord-américaine de la filiale Magnavox est claire et repose sur la seule marque "Odyssey²", le groupe Philips adopte pour l'Europe une toute autre stratégie - celle qui sera également appliquée pour son format de cassettes Video 2000 (concurrent de la VHS) au début des années 80 : faire de la Videopac un standard dans le domaine des jeux vidéo, lequel pourra être décliné en plusieurs modèles, voire plusieurs clones. La Videopac sortira ainsi sous plusieurs marques différentes (Schneider, Radiola, Siera...), et le groupe néerlandais va également passer un accord avec le groupe français Thomson, qui pourra ainsi développer sa propre console compatible avec le standard Videopac : ce sera la JOPAC.


> Les différents modèles

La Magnavox Odyssey², avec son clavier intégré de série, ses 2 joysticks, son bouton Power, et son port cartouche exposé à la poussière Commençons par la Magnavox Odyssey². Impossible de déterminer s'il s'agit du modèle original, car la console est sortie en Amérique du Nord à la même période que le premier modèle européen Videopac. A la différence justement des nombreux modèles de Videopac, Magnavox ne sort que ce modèle, mais lui adjoint un modulateur vocal exclusif au marché nord-américain. Le « truc en plus » de l’Odyssey² par-rapport à la Videopac est la présence du bouton Power, mais en dehors de ça, la console ne présente aucune distinction avec le modèle européen, et peut même faire fonctionner la quasi-totalité des jeux Videopac aux normes PAL/SECAM, non sans quelques problèmes d'affichage (altération de couleurs...).

Pour une raison inconnue, la Videopac commercialisée par Philips en France a pour numéro de modèle "C52" Côté Philips, pas de changement de design, la console reste quasi-identique, mis à part qu'il faille débrancher directement la prise électrique pour éteindre la console. La méthode radicale des odieux parents tortionnaires qui débranchent sauvagement la console de jeu est peut-être née avec la Videopac !
Le premier modèle, et le plus répandu, est le Videopac G7000. Là où ça se complique, c’est que selon les marques et les pays, la Videopac ne sort pas exactement sous le même nom. En France, la console prend notamment le nom de Videopac C52 pour la marque Philips, Jet 25 pour Radiola et Videopac 7000 pour Schneider. En Belgique et aux Pays-Bas, on trouve également un modèle G7000 commercialisé par Siera, et la console sort au Brésil sous le nom de Philips Odyssey. Hormis les numéros et les marques, absolument rien ne les distingue - même si des séries de modèles plus récents de Videopac C52 et Radiola Jet 25 disposent d'un bouton Power, comme l'Odyssey².

La Videopac G7200 (également Radiola Jet 27 et Schneider 7200) ne différait pas de la Videopac sur le plan technique, mais proposait un écran noir et blanc incorporé, pour pouvoir jouer dans sa chambre sans embêter les parents avec des bip-bip insupportables ! Il s'agissait d'un argument de vente à l’époque, afin de dissocier la console de salon du poste de télévision, mais cette politique commerciale également partagée par le Vectrex sera néanmoins un échec, compte tenu du prix dissuasif.
Philips sortira malgré tout un autre modèle, le N60, plus petit et similaire aux modèles Minitel 1.

La Videopac G7200 est un modèle exclusif à l'Europe Le Philips N60 n'est qu'un G7200 au design différent

En 1983, Philips sort un modèle "Pro" : la Videopac + G7400, qui prend elle aussi plusieurs noms selon les marques : G7400 pour Philips et Siera, Videopac 74+ pour Schneider et Videopac Jet 47 pour Radiola. Il s'agissait donc d'un modèle amélioré de la Videopac, capable d'afficher des décors. Elle pouvait faire fonctionner les jeux Videopac, bien entendu, mais était également conçu pour accueillir une ludothèque propre ne pouvant pas fonctionner sur l’ancien modèle. Sorti tardivement, et techniquement en retard par-rapport à la concurrence, ce modèle n’aura pas vraiment contribué à relancer la Videopac. Relativement peu de jeux - les derniers en date en l’occurrence - seront ainsi exclusifs à ce support.
Ce modèle aurait dû être commercialisé par Magnavox en Amérique du Nord sous le nom « Odyssey3 » aux Etats-Unis, mais la crise américaine du jeu vidéo de 1983 entraîne l'annulation pure et simple de la sortie de ce modèle.

Enfin, une console dérivée de la Vidéopac +, la Jopac (« JO » pour Jeux d'ordinateur, et « pac » en référence à la Videopac) est proposée par la marque Brandt, conformément à l'accord conclu entre Philips et Thomson. Elle dispose en fait du même hardware que la Videopac +, et son design est conçu en interne dans le groupe Thomson. Tous les jeux Videopac et Videopac + étaient compatibles avec la Jopac, et cette dernière proposait même des jeux exclusifs développés par des équipes de Thomson. La console s'inscrivait dans la stragégie informatique de Thomson, mais ne reçut que peu de soutien, le groupe français préférant concentrer ses moyens sur les ordinateurs TO7 puis MO5, à la faveur du plan "Informatique pour tous" lancé en France.

Bien avant les PS4 Pro et Xbox One X, il y avait la Videopac + ! La Videopac à la française, c'est la Jopac ! Un modèle peu répandu...


> Zoom sur la Videopac C52

Voyons de plus près comment fonctionne la Videopac, avec ce modèle C52 en ma possession... ou plutôt, comment fonctionne le VIDEOJEU C-52, comme indiqué sur la boîte !

La console dans son ensemble, avec les joysticks soudés et la cartouche de jeu insérée Le joystick ne comporte qu'un seul bouton L'utilité du clavier intégré est très restreinte pour la plupart des jeux C'est marqué en gros sur la boîte : VIDEOJEU ! L'Académie française n'a pas validé ce terme

Les deux joysticks étaient incorporés à la console. Impossible de les détacher donc, contrairement à l'Atari 2600, et à l'inverse de la Colecovision ou de l'Intellivision, il n'y a aucun comportiment prévu dans la console pour les ranger. Selon les modèles et les séries, ils pouvaient être de couleur noire (comme sur la photo) ou grise. Quant à l’Odyssey², le bouton « Action » est rouge, et non noir.

La C52, comme tous les autres modèles Videopac, se branchait sur la prise d’antenne du téléviseur. Seule la Vidéopac + modèle G7401 disposait d’un branchement péritel. La connectique SCART n'ayant été imposée pour les téléviseurs qu'à compter de 1980, la prise antenne était le seul moyen de lier la console à l'écran. Et qui dit prise antenne dit également recherche de chaîne : l'installation de la Videopac, comme toutes les consoles utilisant une prise antenne, supposait donc de rechercher son canal de diffusion, et sur les vieux téléviseurs de l'époque, il fallait le faire manuellement.

Enfin, le dernier point de curiosité de la console, c’est bien évidemment son clavier sensitif, le signe distinctif par-rapport aux concurrentes de l’époque. S'il témoigne de l'ambition de Philips de faire de la Videopac un ordinateur, le clavier s'avère toutefois peu agréable au toucher, mais également peu pratique à utiliser. Sa fonction essentielle est de démarrer les jeux, insérer son prénom, mais guère plus.


> Les jeux

L’ambition affichée de la console était véritablement de devenir un « ordinateur de jeux ». Le jeu vidéo restait évidemment son credo principal, mais il était prévu de proposer de nombreux programmes permettant de transformer la Videopac en ordinateur moderne, d'où la nécessité du clavier. L'aspect éducatif était bien mis en avant pour convaincre les parents d'acheter cette console plutôt qu'une Atari 2600 exclusivement dédiée aux jeux. Allons cependant au-delà de la publicité - et Philips ne lésina pas sur les moyens à l‘époque : la Videopac n'avait absolument pas la puissance d'un ordinateur, comme elle n'était d'ailleurs pas la plus puissante des consoles de sa génération, et elle ne pouvait fonctionner sans cartouche.

La publicité américaine de l'Odyssey² présente la puissance de la console comme équivalente à celle d'un ordinateur, au service du jeu vidéo Publicité française de 1980, insistant sur le côté éducatif et la promesse de programmation du VIDEOJEU C52 Le dépliant présentant les jeux Videopac, avec de bien jolies illustrations

L’ensemble de la gamme Videopac compte en fait officiellement 66 jeux, quand sa concurrente, l’Atari 2600, en a proposé bien plus de 1 000 (même si la qualité laissait souvent à désirer). La liste des jeux est disponible sur Wikipedia. La ludothèque était relativement variée, et proposait aussi bien des jeux de sports (basket, foot...) que des jeux d’action et de réflexion.

Glouton et Voraces, un meilleur clone de Pacman que l'adaptation officielle sortie sur Atari 2600 Le plus connu des jeux Videopac est ni plus ni moins que l’adaptation maison de Pacman, KC Munchkin (Glouton et Voraces en français). Le but du jeu était sensiblement le même que le légendaire Pacman, à la différence que le glouton disposait d’antennes (le détail qui tue !). Le petit glouton deviendra ainsi la mascotte officieuse de la Vidéopac ! Aux Etats-Unis, Philips dut retirer de la vente KC Munchkin suite à un procès intenté par Atari et Midway, qui avaient obtenu les droits de Pacman sur le marché nord-américain. Loin de se laisser démonter, Magnavox / Philips sortent un nouveau jeu avec le Munchkin pour héros, Crazy Chase, au principe similaire à Centipede.

Certains jeux se seront également révélés particulièrement originaux, et ont de quoi faire sourire, comme le jeu de morse… le langage codé hein ? Ce type de jeux faisait bien évidemment partie de l'aspect éducatif mis en avant, même si en 1980, apprendre le morse en jeu vidéo n'était pas très avant-gardiste.
Autre preuve que les prémices du logiciel éducatif annonçaient sans doute l'échec de ce genre de jeux sur consoles : Programmation, proposant de faire... de la programmation, dans le but affiché de faire de la Videopac un véritable ordinateur ; ce qui se sera révélé être une odieuse arnaque, car le logiciel en question n'est qu'un simple assembleur, de la pseudo-programmation sans intérêt. Un logiciel éducatif d'initiation au piano était également proposé, mais on peut douter de la méthode.

La boîte de Quest for the Rings, comprenant en plus de la cartouche, un plateau, des pions, une carte à placer sur le clavier de la console, et le livre du maître du jeu Plus ambitieux, trois jeux de plateau étaient également sortis sur la console : The Quest for the Rings (aux airs de Seigneur des Anneaux), Conquest of the World et The Great Wall Street Fortune Hunt. Ces jeux utilisent la console comme support complémentaire pour certaines actions (combats, déplacements...) ; une idée intéressante qui fut saluée à l'époque comme une innovation.

Les jeux étaient développés par les équipes internes de Philips / Magnavox pour leur très grande majorité. On dénombre ainsi 60 jeux Vidéopac officiels - les jeux maison étaient tous numérotés. Les autres jeux numérotés au-delà ne sont jamais sortis ou peuvent être des homebrews (des jeux développés par des amateurs). Parmi les jeux Videopac, 12 disposent d'une version optimisée pour Videopac +, et seulement 3 jeux seront exclusifs à cette dernière.
Seulement deux éditeurs-tiers (Parker et Imagic) se sont risqués sur la Videopac, la plupart des éditeurs du début des années 80 préférant sortir leurs jeux sur les machines concurrentes, Atari 2600 (largement) en tête. On dénombre ainsi seulement 6 jeux d‘éditeurs tiers, dont les adaptations des classiques de l'arcade Q*Bert et Frogger.

Thunderball, un jeu de flipper. Pour l’anecdote, ma mère en était accro ! 4 en Ligne, un jeu de puissance 4 opposant chiens et chats Un jeu de golf aux graphismes très rudimentaires, mais on reconnait bien les arbres, le parcours et le green ! Nightmare, un jeu optimisé pour Vidéopac +. Les images du décor sont plus belles, mais les sprites restent rudimentaires

Si les jeux étaient graphiquement limités, l’emballage était en revanche réussi : avec ses boîtes en plastique solides et ses belles illustrations, la Videopac offre une leçon de packaging quand on compare ces boîtes à celles des machines concurrentes, et même des consoles des générations postérieures, comme la NES et ses boîtiers cartons fragiles, ou comme celles de la Master System et de la Turbografx-16 (la PC Engine américaine) avec leurs illustrations souvent risibles. Les cartouches de jeu Videopac destinées au marché français étaient même produites en France !
A ces jeux, il faut également ajouter 2 modules additionnels : le C7010 pour jouer aux échecs ; et le C7420 exclusif Videopac +, pour faire de la programmation en BASIC permettant de créer de vrais jeux.

Glouton et Voraces en boîte et notice. Notez la poignée sur la cartouche pour la retirer facilement de la console, ainsi que le code de démarrage en utilisant le clavier Le module C7010 se branche à la Videopac pour l'expérience ultime : le jeu d'échecs ! Une Vidéopac + (modèle 7401 avec prise péritel) et l'extension C7420 permettant de faire de la programmation en basic


> L'héritage de la Videopac / Odyssey²

Sur la seconde génération de consoles, le pari de Philipps de faire de la Videopac le standard du jeu vidéo aura été un échec. Malgré tout, compte tenu du peu de jeux disponibles, la Videopac aura réussi à connaître des ventes plutôt satisfaisantes, notamment en Europe. On estime à un million le nombre d’Odyssey² vendues aux Etats-Unis, et le standard Vidéopac (regroupant l’ensemble des marques commercialisant la console) a globalement connu encore plus de succès en Europe.
Le plus étonnant reste également sa période de commercialisation plutôt longue. Sortie en 1978, elle ne tirera véritablement sa révérence qu'en 1987 en Europe, avec la sortie de la NES. En effet, il était encore possible de trouver facilement des consoles et des jeux Videopac en 1986, à des prix relativement modérés par-rapport à la concurrence. Pas si mal pour une console qui n'était pas la plus performante de sa génération, ce qui traduit sans doute la capacité de la Videopac à s'être bien implantée en Europe.
La Videopac conserve aujourd’hui encore des inconditionnels, écumant les vides-greniers et le net à la recherche des multiples modèles de Videopac.

Pour Philipps, la console représente également un premier pas dans le monde du jeu vidéo. Poursuivant dans sa logique de proposer un standard multimédia exploitable par plusieurs marques et offrant sur un même support logiciels éducatifs, jeux vidéo et films, le groupe néerlandais va ainsi proposer en 1991 le CD-i. L'échec de ce support qui n'assuma pas d'être une console de jeux sera toutefois tel qu'il poussera Philips à se retirer du marché vidéoludique... mais c'est une toute autre histoire !

Un grand merci à mon père pour les photos de la Videopac C52 !

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