L’exercice du remake est difficile : que faut-il changer ? Bluepoint Games a décidé de rester le plus fidèle possible au travail de Fromsoftware sur le game design. Preuve en est que le jeu avait une dizaine d'années d'avance sur la concurrence, il n'a pas vieilli dans ses mécaniques, et le travail de réanimation du remake, tout en gardant le même timing que dans l'original, vient appuyer ce fait. Mais Bluepoint sont de vraies petites fées de la technique, et si dans le fond, ils n'ont rien changé, sur la forme, il en est tout autre, et Demon's Souls a enfin l'écrin qu'il mérite : 60 FPS, 4K dynamique (ou 30 FPS et 4K natif), vous allez en prendre plein les yeux et les oreilles, avec aussi une réorchestration des thèmes mythiques et un sound design de fou. Tout n'est pas parfait : on peut tiquer sur certains design ou thèmes, mais cela reste de l'ordre du détail. En 2009 sortait un titre qui allait changer la face du jeu vidéo ; ce jeu, c'est Demon's Souls, et encore aujourd'hui il reste d'une maîtrise à donner le vertige à tout game designer. Ce remake rend enfin justice à l'une des plus belles oeuvres de Dark Fantasy, d'une maestria et d'une noirceur à en perdre son âme.

Coupons court à toute polémique : OUI, Demon's Souls Remake est beau, quasiment fidèle à l’œuvre originale et un superbe cadeau fait aux fans de la 1ère heure ainsi qu'aux possesseurs de la tant désirée PS5. Une fois cela écrit, c'est justement ce timing de jeu de lancement qui joue contre lui. Dans un 1er temps, son accès est limité au peu de chanceux qui auront réussi à mettre la main sur la nouvelle console de Sony... Et que ce doit être frustrant pour les développeurs qui se sont arrachés pour rendre ce jeu si attirant aux nouveaux venus. Aussi, je dis inutile car il est fabuleusement bon de le retrouver dans un emballage si sucré et appétissant. Mais en tant que joueur et fan de l'original sorti en 2009 sur PS3, tout ce que j'y ai vécu à l'époque semblait déjà conforme à ce qui est proposé dans cette restauration. À chaque nouveau niveau, chaque mob ou chaque boss, le même sentiment de : "Wow c'est magnifique mais, dans ma tête d'amoureux transi, c'était déjà comme ça". Le cerveau a cette faculté à compenser les défauts de l'être aimé et à idéaliser nos souvenirs de joueurs même sur des titres techniquement faiblards. Bref, Demon's Souls est fabuleux, qu'importe le support.

Ayant fait le voyage des Souls dans un complet désordre, je me devais de boucler la boucle avec Demon’s Souls, le premier d’entre eux. Étrangeté, c’est le remake moderne de 2020 auquel je joue, ce qui perturbe mes sens. Fluide, ultra-détaillé, élégant jusque dans les éclairages tous subtils, il s’agit d’un véritable bijou (à l’éclat sombre) de la PS5. Mais le gameplay reste inchangé depuis 2009 : pas de saut, et il y a une vraie lourdeur (oui, j’ose) dans la gestion des consommables (le sacré bazar des pierres de forge et les nombreux types d'herbes à farmer pour se soigner, en l'absence de fiole d'estus). Les salvateurs checkpoints des épisodes suivants se comptent ici sur les doigts d’un estropié, et l’effet entonnoir des zones est particulièrement oppressant. Le jeu est brut de décoffrage, ajoute à la souffrance un profond découragement. Et puis les découvertes s’enchaînent, petit à petit. Chaque pas, du plus infime pas de côté au plus grand des faux pas, nous amène inexorablement vers le but fixé. C’est rude, rêche et revêche. Mais aussi obsédant jusqu’à la déraison !