LES JEUX DE FLIPPER Article rédigé par Wizzy

Qu’il s’agisse de simulations ultra-réalistes ou de flippers fantaisistes, jouer à un jeu vidéo de flipper, c’est la promesse de retrouver les sensations des vrais flippers de café : réalisme des effets physiques avec notamment l’inertie de la bille, possibilité de faire des fourchettes avec les flippers ou même de faire tilter la machine (le tilt est un merveilleux système anti-triche) si on la secoue trop fort... Son histoire est liée à cette quête de réalisme, et en même temps, à un affranchissement. Retour vers le passé…


> La préhistoire

Gee Bee Il faut creuser pour trouver les toutes premières pépites du genre... En 1978, le tout premier jeu de la société Namco (futur papa de Pac-man et quelques décennies plus tard, de Tekken, Ridge Racer et SoulCalibur, excusez du peu) fut Gee Bee, une hybridation étonnante entre le casse-brique, très en vogue à l'époque, et le jeu de flipper. On y retrouve des bumpers et une esthétique propre aux flippers. Les habituels flips en bas de la table sont néanmoins remplacés par deux barres, une en bas et l'autre au milieu de l'écran, que l'on déplace, toutes deux de gauche, à droite. Et on dégomme toujours des briques comme dans Breakout, en plus de faire du score. C'est une pépite mais on ne peut pas encore parler de jeu vidéo de flipper.

En creusant encore, on trouve, un an auparavant, en 1977, une des toutes premières tentatives signés Atari : il s'agit d'un mini-jeu de flipper rudimentaire, intégré à la console "Video Pinball" (c'est bien le nom de la console, et non celui du jeu), et sur laquelle on trouvait deux autres jeux maison : Basket-ball et Breakout.
En 1979, Atari remet le couvert sur borne d'arcade avec une véritable simulation vidéoludique de flipper et provoque la confusion en ré-employant le même nom que sa console de salon : Video Pinball. A cette époque, seuls les flips, la bille et le score sont en pixels, les éléments dessinés du décor, eux, sont reflétés sur l'écran à l'aide d'un "overlay" et d'un miroir en haut de la borne créant l'illusion d'une véritable table.

Video Pinball Ce jeu connaîtra une adaptation en cartouche pour l'Atari 2600 en 1980, avec bien entendu des ajustements graphiques. Video Pinball sur borne comme sur console simule de manière très réaliste la bille. Et même si sur Atari 2600, il s’agit non pas d'une bille mais d’un carré ! Compte tenu des machines et des faibles capacités en terme d’animation de sprites, on peut parler de prouesse. Pour contrôler les flippers sur Atari 2600, c’était encore la préhistoire, il fallait diriger le manche du joystick à droite ou à gauche.

Pinball Il existera bien d'autres flippers sur différents supports au tout début des années 80 (citons notamment le sympathique Sega Flipper paru en 1983 sur SG-1000, avec quatre flips sur une même table) mais il faudra attendre 1984 pour avoir le premier hit du genre, le bien nommé Pinball sur NES. Nintendo ajoute au réalisme et à la fluidité de la bille davantage d’éléments (bumpers, cibles...), de couleurs et propose au joueur deux étages (ou sections). C’est à dire, deux tables accolées, la balle passant de l'une à l'autre. Simple, maniable et réaliste, le jeu est un petit succès.

Rollerball En 1988, toujours sur NES (et aussi sur MSX), c’est au tour de Rollerball de HAL Laboratory de devenir la nouvelle référence du jeu de flipper. Graphiquement clair et bien rond, avec une musique qui donne la pêche, le flipper dispose de trois sections avec notamment un jackpot en plein milieu de la deuxième, et un troisième flip dans la section du bas. Le mouvement de la bille est très réaliste. Ça va vite et les flips sont nerveux. Une référence !

Décidément très à l'aise avec le genre, HAL Laboratory concoctera dès 1989 Pinball - Revenge of the Gator, un des tous premiers jeux à sortir sur Game Boy aux côtés de Tetris et Super Mario Land. Il s'agit d'un jeu de flipper dans la droite lignée de Rollerball avec des alligators égayant l'écran, quatre sections désormais, et surtout trois niveaux bonus.

Sur NES, console de tous les exploits en matière de jeux vidéo de flipper, le développeur Rare va se distinguer avec Pin Bot (1990) et High Speed (1991) en transposant aussi fidèlement que possible de véritables tables de flipper, toutes deux produites par Williams en 1986. Ce sont les premières tentatives vers un réalisme photographique et ces tentatives sont remarquables. Les graphismes, certes en mode 8-bits, sont particulièrement détaillés et colorés, et nous retrouvons même les voix synthétiques d'origine qui ponctuaient les parties.

A cette époque pourtant, le jeu vidéo de flipper reste un sous-genre du jeu vidéo. Il ne constitue pas un achat de premier choix pour le joueur et est donc assez peu prisé par les éditeurs. Cela va changer au début des années 90.


> La révolution

Devil's Crush S’affranchir du réalisme pour se laisser aller à toutes les folies, c’est la recette miracle de l’éditeur japonais Naxat. Une révolution qui commence en 1989 par le petit coup de griffe Alien Crush sur PC Engine. On y trouve des éléments SF intégrés à la table et des phases de shoot avec plein de monstres à dégommer. Mais c’est Devil’s Crush en 1990 et toujours sur PC Engine qui achève à coup de pixels sauvages le réalisme propret et gentillet des flippers des cafés.

Avec des pentacles sataniques, le visage d’une femme qui se transforme, des monstres qui se baladent à l’écran et qui à l’impact explosent, des tableaux bonus et des boss, le jeu devient le Pandémonium du genre. Graphiquement splendide avec des détails n’ayant rien à envier aux meilleurs shoot'em up de la console, le jeu fait vraiment date. En 1992, il sera adapté par Technosoft sur Megadrive sous le nom de Devil Crash au Japon, et édité aux États-Unis et en Europe par Tengen sous celui de Dragon’s Fury.

Crüe Ball Vu le succès du jeu, Tengen exploitera le filon avec une fausse suite nommée Dragon’s Revenge. Jaki Crush, la vraie suite de Devil’s Crush, sortira en 1992 sur Super Famicom. Il intègre des effets de transparence inédits comme des nuages de fumée ou des brouillards qui nimbent les tables d’une ambiance très particulière.

Dans le sillon creusé par Devil’s Crush, il y aura des tentatives hybrides mêlant réalisme et fantaisie (avec plein de sprites à dégommer ou des décors délirants). On trouvera entre autres Pinball Quest sur NES, Crüe Ball sur Megadrive (avec les mélodies soyeuses du groupe de métal Motley Crüe) ou encore Ruiner Pinball sur Jaguar.

Plus récemment, bien plus récemment, en 2018 pour être précis, Yoku's Island Express de Villa Gorilla et Team 17 a étonné tous les amateurs de jeu de flipper qui s'y sont essayés. Le flipper classique avec flips et bumpers se lie en effet à la perfection à un platformer/metroidvania délirant, nous faisant parcourir de long en large une île tropicale baignée de soleil au gré d'un scénario sympathique. Qui n'a jamais rêvé d'être un petit bousier baladant sa bille ?


> Nos héros se mettent en boule

Vu le succès des jeux de flipper, les grandes firmes vont profiter du genre pour mettre en scène leurs héros. Des héros qui prendront du coup la place de la boule !

La mascotte de Sega, Sonic, se prête tout naturellement au genre du flipper. Déjà, dans le premier Sonic (avec le niveau Spring Yard Zone) et Sonic 2 (dans le niveau Casino Night Zone), le hérisson bleu se voyait transformé pendant de courts instants en boule de flipper. Personne ne s’étonne donc de le voir dans un vrai jeu de flipper !

Sonic Spinball Sorti en 1993, Sonic Spinball a la particularité d’user de phases de plate-forme propres au hérisson bleu avec le gameplay inchangé du jeu originel. Ainsi, en plus du contrôle des flippers, il est possible de diriger Sonic lorsqu’il est en boule.

En 1999, on retrouvera à nouveau Sonic dans deux petits flippers (dont un à l’effigie de Nights) dans Sonic Adventures sur Dreamcast.

Super Mario Ball Et du côté de Nintendo ? Kirby, la boule rondouillarde de HAL Laboratory (encore eux!), se transforme lui aussi en boule de flipper dans l'excellent Kirby’s Pinball Land en 1993 sur Game Boy, cumulant plusieurs tables comme autant de petits mondes, ainsi que 4 boss. En 1998, c’est au tour des Pokémon, avec Pokémon Pinball : dans ce jeu, point de Pikachu en boule mais une Pokéball. Sur GBA, Mario (transformé en boule !) aura aussi son jeu de flipper dans Super Mario Ball.

Metroid Prime Pinball Le dernier qui a marqué les esprits date de 2005 : c’est Metroid Prime Pinball. Samus Aran, l'héroïne de Nintendo, fait une incursion remarquée dans le genre sur DS. On utilise les deux écrans de la console pour des sensations de jeu inédites. En plus des boss et des tables bonus, des phases de shoot avec une tourelle sont intégrées au jeu. A noter que le Rumble Pack vibrant est vendu avec le jeu.

En dehors des univers Sega et Nintendo, on trouve pêle-mêle dans des jeux de flippers : Pac-Man (normal vous me direz pour une boule jaune), les Worms, les Muppets...
Les Power Rangers (les "Bioman" américains) auront aussi droit à leur jeu de flipper : Power Rangers Zeo sorti sur Playstation en 1996. Ironie du sort, c’est un des meilleurs jeux mettant en scène nos héros en collant.


> Toujours plus de réalisme : l'ultra-réalisme

A contrario de la tendance délire, les éditeurs prennent le parti d’aller encore plus loin dans le réalisme avec une utilisation, sans détournement aucun, des éléments classiques du flipper : bumpers, rampes et autres cibles. Ces jeux de flippers offrent une ou plusieurs tables (souvent au nombre de 4) avec pour chacune des thèmes bien distincts. Ils proposent une vue de dessus avec un scrolling qui suit la bille, ou une vue de 3/4 au dessus de la table, simulant la vue subjective du joueur. Comme dans la réalité ! Le rendu graphique des éléments est en outre de plus en plus réaliste.

Pinball Fantasies Les plus réputés à se lancer dans cette tendance sont les Suédois de Digital Illusion CE. Leur série de jeux de flippers seront de grands succès sur PC et Amiga. Ils seront adaptés sur Super Nintendo : de l’austère Pinball Dreams au coloré Pinball Fantasies

Des succès tels que tous les éditeurs se devront d’avoir leur jeu de flipper : Codemasters sortira un clone notable de Pinball Fantasies sur Megadrive, Psycho Pinball ; Les Japonais KaZe et Meldac pousseront le réalisme jusqu’à utiliser des digitalisations dans leur série Super Pinball sur Super Nintendo.

True Pinball Avec l’arrivée des 32-bits, on tend désormais à l’ultra-réalisme avec des graphismes en haute-résolution (pas de pixels et une représentation du flipper proche de la photographie). KaZe remet ainsi le couvert sur Saturn avec Digital Pinball : Last Gladiators, qui en plus d'être clean graphiquement et bien nerveux, se permet le luxe d'exploser les enceintes avec du Heavy Metal endiablé.
Digital Illusion CE sort en réponse sur Playstation et Saturn une simulation au titre qui en dit long et qui peut s'apparenter à une suite à leurs premiers jeux : True Pinball.

Le genre de la simulation de flipper "réaliste" va jusqu'à se démocratiser puisque dès 1995 (et ce jusqu'au milieu des années 2000), tous les foyers disposant d'un PC auront à leur disposition le très culte 3D Pinball - Space Cadet, un jeu de flipper gratuit développé par Microsoft et Cinematronics et édité par Maxi, inclus dans l'ordinateur et posant fièrement aux côtés du solitaire et du démineur. Le jeu lorgnant sur l'ambiance SF des flippers des années 80 est à la fois d'un classicisme princier et d'une efficacité à toute épreuve, réjouissant petits et grands.

Gottlieb Pinball Classics Et enfin sur Playstation et PC, fin 90, début 2000, la longue série des Pro-Pinball (The Web, Timeshock !, Big Race USA et Fantastic Journey pour tous les citer) signée Empire Interactive, qui se permet le luxe de ne proposer qu’une table par jeu. En 2005, il y aura une sorte de best-of de la série avec Ultimate Pro Pinball sur PS2.

De son côté, Gottlieb, le légendaire "faiseur" de flipper, voit ses flippers adaptés des années 80 sous la forme vidéoludique dans Gottlieb Pinball Classics sur PS2 et Wii. Ces jeux aux graphismes ultra détaillés s’adressent avant tout aux nostalgiques purs et durs.


> Une nouvelle ère

Zen Pinball (table Tesla, une des 4 tables de base) Sans évoquer ici l'émulation plus ou moins légale de véritables tables jouables sur PC, le regain pour le genre va s'accompagner d'un nouveau modèle économique lié aux plateformes de téléchargement. Il s'agit bien d'une nouvelle ère, celle du dématérialisé, qui va permettre à un petit studio de se démarquer et d'écraser petit à petit, et au fil des années, toute la concurrence.
Ce développeur, c'est Zen Studios. Il va en effet trouver un véritable filon à partir de 2007 avec deux séries conjointes, Zen Pinball et Pinball FX. La différence entre les deux séries est plus que minime (les tables de base sont juste différentes) et est surtout lié au fait que Zen Pinball se destinait principalement aux consoles Sony, la série Pinball FX étant éditée initialement par Microsoft. Il faudra attendre 2017 pour que le nom Zen Pinball disparaisse définitivement, Pinball FX 3 paraissant ainsi sur tous les supports.

Pinball FX 2 - Spiderman Le développeur va produire un moteur maison liant réalisme des différents éléments qui composent une table de flipper et délires fantaisistes défiant ce même réalisme (explosion, ennemis, animations improbables etc...). Puis de proposer en free-to-play d'une poignée de secondes pour chacune de ces tables, et les vendre soit à l'unité, soit par plusieurs tables de manière thématique.
Ce principe de collection exponentielle va marcher. Le joueur peut constituer sa collection comme il en a envie, et pourra craquer au hasard d'une démo pousse au crime. Cumuler dans sa bibliothèque prévue à cet effet des dizaines et des dizaines de tables, sans compter ses dépenses. Et la boucle va devenir sans fin : se génère régulièrement une pléiade de nouvelles tables, créant l'attente et l’événement chez les fans de la série.

Pinball FX 3 (table Sorcerer's Lair, déjà présente dans Pinball FX 2 mais rehaussée ici en détails et en couleurs) Outre les tables maison, les licences prestigieuses vont se bousculer au portillon : Marvel (tous les super-héros emblématiques vont avoir leurs tables), Star Wars (la saga sera épuisée et plus encore, jusqu'aux séries Boba Fett ou du Mandalorian), Jurassic Park, Retour vers le futur, les Dents de la mer, South Park, American Dad et j'en passe volontairement... Le jeu vidéo va même s'inviter là, sans vergogne, et donner droit à un génial paradoxe qui fera bugger l'auteur de ce dossier : Super Street Fighter 2, Doom, Portal, Fallout, Skyrim... Soit des adaptations de jeux vidéo en jeux vidéo de flipper, sans passer par la case du flipper physique.

Pinball Arcade (table Williams aujourd'hui disparue de la vente et proposée désormais dans Pinball FX 3) Point culminant de cette logique mais juste retour des choses, Farsight Studio va éditer Pinball Arcade en 2012, un véritable émulateur légal de tables de flipper d'antan, celles des constructeurs historiques que sont Bally, Williams, Stern ou Gottlieb. Comme pour la série Pinball FX, en plus des tables de base parmi les plus grands classiques du genre, les autres tables sont payables à l'unité pour compléter sa collection.

Parmi les tables les plus emblématiques au départ, citons Gorgar, Funhouse, Tales of the Arabian Nights, Theatre Of Magic, Medieval Madness... Malheureusement, en 2018, ces tables et plus précisément, toutes celles signées Bally et Williams, ne sont plus disponibles à l'achat, Zen Studios, encore lui, ayant acquis les droits et leur exclusivité. Pour résumer brièvement et de façon claire, Zen Studios est en train de tuer le game.


> Conclusion

Si le jeu vidéo a redonné une seconde jeunesse au jeu de flipper, c'est aussi lui qui a mis en péril le billard électrique au début des années 80 jusqu'à sa disparition quasi-complète aujourd'hui. Oui, le flipper, le vrai, celui du bar est passé de mode de décennie en décennie.

A l’image de la borne d’arcade ou du Juke-Box, c'est devenu un objet de collectionneur, un objet du XXème siècle, ancré voire figé dans la culture populaire d’un temps révolu. Et le genre vidéoludique a fini par survivre aux vrais flippers des cafés, ne s'étant jamais vraiment mis en pause depuis. Il est même fort probable que beaucoup joue à des jeux vidéo de flipper... sans avoir jamais touché à une vraie table de flipper.

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