Castlevania Resurrection - Prototype

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Blondex
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Message par Blondex »

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Les historiens du jeu vidéo vivent une période un peu folle, qui voit ressurgir des prototypes de jeux abandonnés les uns après les autres. Après celui - exceptionnel et quasi-achevé - du remake de GoldenEye sur Xbox 360 ainsi qu'une version Dinosaur Planet pour N64 intégrant déjà Fox comme héros, voici donc le prototype - nettement moins avancé - de Castlevania Resurrection !

Annoncé début 1999 pour la Dreamcast, le jeu a été confié à un nouveau studio de Konami basé à San Francisco, avec le marché américain en public cible. Castlevania 64 vient en effet de sortir aux États-Unis et a reçu un bon accueil, ce qui motive Konami à orienter son nouveau volet Dreamcast vers l'action pure.

Qu'est-il arrivé à ce Castlevania ? Eh bien, le projet, présenté trop hâtivement comme grandement avancé et initialement prévu pour fin 1999 (peu après le lancement de la Dreamcast en Amérique du Nord et en Europe) a en réalité eu de gros retards à l'allumage, avec une phase de pré-production qui s'est éternisée.
De nombreux artworks et travaux de modélisation témoignent pourtant du boulot réalisé par les artistes, et même des musiques ont été finalisées pour le jeu par le compositeur Mark Lindsey, qui les a laissées en écoute sur Soundcloud.

Le problème, ce fut en fait le développement même du jeu ; "chaotique" semble même avoir été un euphémisme d'après les rares témoignages : confié à une équipe inexpérimentée dans le développement de jeux d'action / plateformes en 3D, le projet ne semblait également pas quelle direction prendre, aussi bien d'un point de vue artistique qu'en matière de gameplay.
Toutes ces tergiversations ont incité Konami à ne plus communiquer sur ce jeu après l'E3 1999 et la première présentation du projet à la presse - la présente démo, donc. Passé cet événement, l'état d'avancement du projet est inconnu, vaguement estimé à 25 % fin 1999 (soit la date de sortie initialement prévue).
Le studio de San Francisco est finalement dissout début 2000, et ce qui se présente du projet est proposé par la maison-mère au studio de Kobe, qui venait d'achever Legacy of Darkness, et qui jugea le projet irrécupérable. Castlevania Resurrection est finalement annulé en mars 2000.

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Le jeu tel qu'il se présente dans la démo pré-E3 1999, celle qui a été montrée à la presse

L'existence même du projet a été longtemps débattue, mais la découverte du prototype puis sa mise aux enchères (finalement annulée) ont permis à ce Castlevania de sortir de l'oubli. On craignait que le détenteur du prototype ne partage pas le contenu avec la communauté... mais la mise à disposition de ce trésor pour tous les curieux a été finalement rapide !

Il est temps de découvrir ce que propose ce prototype de Castlevania Resurrection.


Fonctionnement

Dans le lien en bas de page, le jeu est proposé pour fonctionner sur Dreamcast et sur émulateur. 5 niveaux sont proposés, mais seuls 4 fonctionnent sur console ; un 5ème ("Corridor") ne fonctionne que sur l'émulateur Flycast, mais pas sur Demul. Et comme je ne dispose que de Demul, je ne me suis pas essayé à ce niveau, apparemment très bugué.

Je vous laisse le soin de paramétrer l'émulateur Dreamcast pour faire tourner ce jeu, ce qui n'est pas particulièrement complexe.
Ce qu'il faut en revanche savoir, c'est que le jeu, compte tenu de son état d'avancement, est forcément bugué. Sans doute des bidouilleurs pourront-ils corriger certains plantages, mais n'espérez en aucun cas voir un jour ce jeu complété : c'est un prototype, mais c'est aussi une démo.

Le bouton Start ouvre ainsi un menu qui permet de jouer aux 5 niveaux proposés. Et ce sera tout.


Analyse

Le cadre est donc bien posé : il ne s'agit pas d'un jeu complété. Et même pas un début de jeu avec une histoire ou quoi que ce soit : cette démo ne propose que des bouts de jeu qui ne sont a priori pas reliés les uns aux autres.
Dès lors, je ne parlerai pas de test, mais plutôt d'analyse, car évidemment, certains des bugs rencontrés ici auront été nécessairement corrigés dans un jeu finalisé. Les plus apparents sont les chutes dans le vide ou dans la lave, qui ne vous tuent pas mais vous permettent de partir à l'exploration des territoires généralement inconnus des jeux, c'est à dire ce qu'on voit au delà des si décriés murs invisibles ! Et il n'y a pas grand chose à voir, en fait.

Si graphiquement, le jeu n'est pas désagréable à l’œil, il est tout de même plutôt sombre. Faut-il le rappeler, on est également en 1999, et on se rapproche techniquement davantage de Castlevania 64 que de Lament of Innocence (sorti certes sur PS2, mais fin 2003). Des 4 niveaux que j'ai pu tester, "Chapel" propose tout de même l'environnement le plus soigné.
Concernant la musique, il n'y en a qu'une seule, qui tournera en boucle sans s'arrêter entre chaque niveau, mais qui colle bien à l'ambiance Castlevania.

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Le niveau Chapel est le plus agréable à parcourir dans cette démo

Un problème technique se pose pourtant déjà dans ce prototype : la gestion de la caméra ! Par défaut, le seul bouton Y de la manette DC permet de recentrer la position de la caméra derrière vous, et la croix directionnelle ne permet juste que de modifier le réglage automatique ou manuelle de cette fonction. Vous ne pouvez donc pas ajuster la caméra comme bon vous semble, sauf à activer le mode Free Camera avec une 2ème manette.
Ce n'est pas la galère pour autant : contrairement à Castlevania 64 qui proposait de nombreuses phases de plateformes, ce prototype de Resurrection n'en présente que peu, même si le peu proposé n'augure rien de bon sur la maniabilité.
Par contre, l'absence de lock des ennemis devient très vite gênante : Sonia ne se contente que de donner des coups de fouet droit devant elle, et les objets (hache, eau bénite...) ne ciblent rien du tout. Pour un jeu misant sur l'action, il y a là de gros défauts à corriger. En comparaison, Castlevania 64 n'est pas si catastrophique, et Legacy of Darkness avait corrigé pas mal de défauts de caméra et de ciblage, donc ce prototype pouvait encore être amélioré.

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Les ennemis surgissent parfois en nombre, la pauvre Sonia s'agite désespérément dans tous les sens avec son seul coup de fouet...

Oui, vous commencez à le remarquer dans mon analyse, les Castlevania 64 sont les points de comparaison à ce Resurrection. Même si ces jeux ont pu être finalisés, ils sont contemporains de ce prototype, et servent à en mesurer les défauts de gameplay. Et si pour vous, ces 2 jeux N64 sont des horreurs en termes de jouabilité et de gameplay, vous pouvez faire une croix sur Resurrection, qui est en l'état inférieur à ces jeux.
L'animation de votre héroïne est en effet rudimentaire, et pas très rapide qui plus est. Un choix de gameplay pour se concentrer sur l'action, ou un manque de finalisation ? Là aussi, difficile de répondre, mais pour être plus palpitant, le prototype aura bien besoin... d'un bon coup de fouet !

En termes de level design, difficile de porter un jugement, mais l'orientation de cette démo n'est pas très rassurante sur la suite du projet.
Le but dans les 4 niveaux que j'ai pu tester semble tout simplement de parcourir les décors proposés en tuant tous les monstres présents. Une icône de clé en haut à droite semble indiquer soit une clé à trouver, soit un indicateur qui s'active si des conditions sont remplies.
Le niveau Courtyard, qui se lance immédiatement, consiste à trouver tous les ennemis cachés dans la surface de jeu. On peut aussi s'amuser à trouver toutes les torches.

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Le niveau Courtyard propose un environnement sombre, où il est parfois difficile de distinguer les éléments de décor

Les niveaux Hall et Stairs ne proposent rien de bien particulier, même si le second semble présenter des pièges qui ne sont pas activés.
Reste le niveau Chapel, le plus intéressant donc, qui comporte le plus d'ennemis, mais aussi les graphismes les mieux travaillés, et même, un boss à affronter : Medusa ! Mais en l'absence de réglage de la difficulté, le combat proposé n'a toutefois rien d'épique. Et une fois le boss vaincu, vous êtes renvoyé au démarrage du jeu.

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Pour vaincre Medusa, la seule méthode est de donner des coups de fouet à répétition.


Conclusion

Voilà, au bout d'une demi-heure, j'ai fait le tour de ce que propose ce prototype - hormis un niveau que je n'ai pas testé faute du bon émulateur.

Sans connaître à quel stade de développement le prototype se situe, difficile de dire s'il augure du pire ou du meilleur, mais il augure de toute façon d'un jeu du début des années 2000 qui n'allait pas révolutionner la série Castlevania. Le chef d’œuvre ne semble pas en vue, mais quelques séquences laissent présager d'un jeu sympa (réalisation graphique honorable, musiques...), tout comme d'autres font craindre un jeu déjà en retard sur son époque (caméra aux fraises, et absence de lock).

Sans éléments de scénario, sans cinématiques, ce prototype de Castlevania Resurrection ne permet également pas d'apprécier ce que ce projet avait à proposer, à savoir une histoire se développant entre deux époques, avec 2 protagonistes - le second étant Victor Belmont, un descendant de Sonia, et dont les concepts seront repris pour le Victor Belmont apparaissant dans Lords of Shadow 2.


Si le prototype vous intéresse, vous pouvez le télécharger à partir du site Sega Dreamcast Info Games Preservation : https://www.sega-dreamcast-info-games-p ... on-release

Autre site à voir pour compléter vos connaissances :
- Unseen 64 : le site incontournable des jeux annulés

Sans oublier mon article consacré à la série Castlevania, qui évoque notamment ce projet Castlevania Resurrection ainsi que d'autres Castlevania annulés.
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Twinsen Threepwood
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Message par Twinsen Threepwood »

Je ne savais pas que le proto avait fuité de façon jouable via l'émulation !

Merci à Blondex pour cet article extrêmement intéressant !

Quand je pense qu'on arrive aujourd'hui à émuler la Dreamcast...Ca me tue.
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Blondex
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Message par Blondex »

L'émulation Dreamcast marche plutôt bien, mieux que la Saturn.

Pour le prototype, c'est tout simplement celui qui a partagé la découverte de la démo en vidéo, qui a réussi à négocier avec le détenteur du prototype pour le mettre en ligne. D'ailleurs, le téléchargement se fait sur son site.

N'empêche, on se prend à rêver de l'existence d'autres prototypes du jeu, et de plein d'autres d'ailleurs !
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