Désolé pour la qualité désastreuse des images, les jeux pixellisent (surtout BrainDead 13) mais sur une cathodique, le résultat en mouvement est plus net et surtout plus joli que ces quelques jpeg.

SPACE ACE
1996 - ReadySoft
Avec Dragon's Lair paru sur borne d'arcade en 1983, un ancien animateur des studios Disney nommé Don Bluth créa un tout nouveau genre de jeux vidéo : le dessin animé interactif.

On y incarnait un chevalier téméraire pérégrinant dans un château bourré de pièges. Il fallait choisir la bonne action à la seconde près, sous peine de morts affreuses et irrésistiblement cartoons. Malgré sa difficulté démente, le jeu fit sensation (il dénotait franchement à coté des autres jeux de l'époque qui ne proposait que quelques pixels sur fond noir) et fit un véritable carton, ce qui encouragea l'équipe de Don Bluth a signer l'année suivante un autre jeu sur le même principe.
Space Ace vit ainsi le jour. On retrouve la même veine comique qui animait Dragon's Lair mais cette fois-ci tout ce passe dans l'espace dans une ambiance de Space Opera proche de Star Wars. Pour le pitch, notre tendre Kimberley vient de se faire enlever par des extra-terrestres. Sous les traits d'un ado, pouvant se transformer sous l'effet d'un rayon en beau gosse musclé à la mâchoire carrée, à nous de jouer les héros et de triompher des E.T pour la sauver.

Avec l'avennement des consoles à Cd dans nos foyers au milieu des années 90, l'éditeur Readysoft s'est appliqué à adapter les 2 jeux de Don Bluth, et même une production maison nommée Brain Dead 13, devenant ainsi les spécialistes du genre. Pour ne parler que de Space Ace, la conversion sur Jaguar Cd est honnête mais la résolution n'est pas optimale. C'est pixellisé, alors moins que sur Mega Cd mais bien plus que sur Cd-i dont la version s'apparente en comparaison à un "arcade perfect". Au niveau de la bande son, c'est pas mal, la musique est déjantée mais les bruitages manquent de péter aux oreilles, le son étant un peu voilé.
Passé ces constats, l'aura disneyenne est bien là, le style graphique de Don Bluth partagé entre Tex Avery et Disney est génial et les animations aux amphètes sont toujours aussi remarquables, d'autant plus que le rythme des séquences est particulièrement soutenu. Sur Space Ace, un cap a même été franchi depuis Dragon's Lair. Ici ça s'enchaîne non stop, sans aucun temps mort...
Que ce soit sur une base orbitale ou dans l'espace, ç'en est même exagéré : action totale à fond les ballons, montage pétaradant et un piège toute les secondes ! Les détracteurs du jeu ont d'ailleurs beaucoup reproché ce coté épileptique à Space Ace, l'action peu lisible au premier coup d'oeil accroissant de manière exponentielle la difficulté.
Or -et c'est un joueur allergique à la base à ce genre qui parle- il est possible de progresser dans cette suite de QTE hardcore sans rager, s'arracher les cheveux et jeter console et télé du 9ème étage.

Les commandes sont très simples : haut, bas, gauche, droite pour les directions à prendre et tir pour blaster les ennemis. L'erreur qu'on commet (et que j'ai commise) au début, et fait qu'on se décourage très vite, est d'appuyer sur plusieurs boutons en même temps ou de les enchaîner trop rapidement. Or pour progresser, il faut juste appuyer sur un seul bouton pour que la séquence suivante s'enclenche, pas deux boutons, pas trois, un seul. Alors des fois il faut les enchaîner et des fois il faut temporiser. Des éléments du décor clignotent et donnent de précieux indices sur la voie à prendre. Lorsque qu'on a compris quelles actions faire à la chaîne, ça devient nettement plus simple, d'autant qu'on peut souvent anticiper les actions.
C'est un coup à prendre et même si pour le commun des mortels, ça reste du "Die and Retry" intense et intensif, je trouve que Space Ace est bien moins dur ou stressant qu'il n'y paraît. Même une fois les 5 vies passées, le continue nous ramènera au niveau précédent la dernière étape qu'on a débloqué, ce qui est assez peu punitif.

L'autre bon point est qu'on a la possibilité de prendre différents chemins pour arriver au bout d'une séquence, si on active ou non le rayon "ENERGIZE". Ce rayon nous transforme alors en Héro Badass pour des séquences d'action démente, plus que mouvementées (et pas forcément plus simples). Le plaisir est vraiment de découvrir tous les passages possibles, et notamment les raccourcis qui permettent de ne pas se prendre la tête (surtout si d'aventure on veut reprendre tout depuis le début).
Au final, j'avoue m'être pris au challenge du jeu, oubliant mes à-prioris très négatifs sur le genre, j'avoue que progresser même d'une demi-seconde procure du plaisir. J'ai aussi eu la chance d'y jouer à deux, à tour de rôle, et c'est assez stimulant voire bien plus marrant que tout seul.
La question est pourquoi je ne me suis pas frotté du coup au mythique et séminal Dragon's Lair sur Jaguar Cd ? J'ai découvert en fait que Dragon's Lair est le seul jeu Jaguar a ne pas fonctionner sur ma bonne vieille Jaguar PAL bridée à 50 hz. Il faut impérativement une console américaine ou bien bricoler sa Jaguar pour la débrider (ce que j'ai fini par faire quelques mois après la parution de ce test), et passer en mode 60 hz. Sinon, le jeu se lance quelques minutes et se bloque avec un message d'erreur d'une injustice totale. Space Ace ne souffre pas de cette tare et marche à merveille.
En conclusion, Space Ace est un dessin animé interactif dopé au amphétes, allant au rythme d'un grand huit garni de loopings, et met la barre haute en termes de pièges en pagaille.
Ce "Die and Retry" désarçonne et puis petit à petit, le charme du jeu, bourré d'humour, agit. La progression seconde après seconde procure même beaucoup de plaisir. Un conseil : n'hésitez pas à y jouer avec un camarade (ou une camarade), c'est stimulant et très amusant.
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DRAGON'S LAIR
1995 - ReadySoft
Pour libérer sa jolie princesse Daphné des griffes d'un ténébreux dragon, Dirk, un téméraire soldat de la garde, va devoir se perdre dans un sinistre château et passer par une enfilade de salles bourrées de monstres et de pièges... Là, débute les ennuis...
S'il ne brille pas par son histoire, Dragon's Lair a surtout marqué la grande Histoire du jeu vidéo en étant le tout premier dessin animé interactif !

Avec une pointure de l'animation comme Don Bluth aux commandes (ancien de chez Disney, réalisateur de Fievel et le Nouveau Monde ou d'Anastasia), le jeu d'arcade qui date de 1983 (!) est particulièrement impressionnant pour sa réalisation. On se tient devant un véritable dessin animé, quelque part entre un Disney classieux et un Tex Avery déjanté.

Alors bien entendu, l'interactivité est limité, on n'est pas libre de nos mouvements, tout est scripté. Il s'agit bien d'un film et les séquences d'animation se débloqueront en appuyant sur le bon bouton.
Le jeu a le grand mérite d'être clair dans ses intentions : vous allez mourir jusqu'à plus soif, et ce dans la joie et la bonne humeur. On sent d'ailleurs que les animateurs, bien sadiques, se sont fait plaisir à ce niveau là. Avec sa dégaine un peu gauche de grand duduche, Dirk est le parfait cobaye pour expérimenter toutes les morts cartoons du jeu : se faire cramer, bouffer, étouffer, liquéfier, empaler etc...

Pour éviter ça, il faudra donc choisir et enchaîner les bonnes actions au bon moment. Et cela se joue parfois à la fraction de seconde près !
On touche là à un point qui peut fâcher le joueur manquant de patience. D'autant qu'il y a certains passages sur lesquels on peut légitimement s'arracher les cheveux, car il est parfois difficile de savoir à quel moment précis enclencher l'action, voire même quelle action il faut faire, faute d'indice.
J'ai longtemps considéré ce genre de jeu, et ce jeu en particulier, comme une torture. Une fois les 5 vies passées, j'avais le sentiment qu'il fallait tout recommencer depuis le début, quelque soit son avancée dans le château (ce qui est faux). J'avais rapidement lâché l'affaire sur d'autres supports (en émulation sur Mega Cd ou sur 3DO). Découragé.
Or il y a bien des checkpoint toutes les 6 salles environ, et les continues sont infinis. Le jeu est aussi très court, donc si on progresse sur une série de salles, on se rapproche à grands pas de la fin. Le jeu est bien moins punitif qu'il en a l'air, si tout simplement, on accepte son challenge et le fait de mourir cent fois pour faire un pas.

Ayant compris le "truc" (appuyer sur un seul bouton à la fois, temporiser, bourriner ou laisser appuyer sur le même bouton sur certaines séquences) depuis que j'ai terminé Space Ace, l'autre dessin animé interactif de Don Bluth, mes aprioris se sont tous envolés. La progression dans ces salles bourrées de pièges a quelque chose de très amusant et de très addictif.
Dragon's Lair est un véritable classique et il s'apprécie comme tel, comme un excellent vin racé. Le jeu accumule des moments de bravoure dans une ravissante ambiance Héroïc Fantasy, proche de celle que l'on retrouvera trois ans plus tard dans Taram et le Chaudron Magique des studio Disney.
Il y a un grand soin apporté aux décors, susceptibles de s'écrouler à tout moment, et au design des créatures rencontrées, tantôt comiques, tantôt sérieuses. Ces dernières comme le Chevalier Noir inspirent souvent la crainte et le respect. Toute cinématographique, la mise en scène est enlevée et beaucoup de détails humoristiques viennent la ponctuer comme le fameux "Drink Me".
J'ai fini le jeu, avec grande joie, après avoir été un temps bloqué à la séquence du damier psychédélique (sur Jaguar CD, c'est la 28ème salle sur les 30 que compte le château) avec des grosses billes de couleurs qui nous roulent dessus. Ce passage, que je nomme "Marble Madness", exige du pur timing...

Cette conversion sur Jaguar CD pixellise un peu, surtout en comparaison de la borne d'arcade ou de celle qui tourne sur Cd-I, mais la qualité de la vidéo en plein écran reste très honorable pour l'époque. A noter qu'il n'y a pas de salles aléatoires comme dans l'original, ce qui amoindrit la difficulté. Seul le sens de l'image change parfois, pour mettre à mal nos petites habitudes.
Soyez-en averti, les débuts sont très difficiles, et le découragement n'est jamais bien loin. Il faut juste comprendre la mécanique du jeu, prendre le coup.
Une fois passé ce cap, le plaisir de progresser dans ce château infernal est total ! Dragon's Lair est un "Die and Retry" amusant et classieux, avec une réalisation digne de son support.
Je me suis aussi amusé (je m'amuse beaucoup) à dresser la liste des mouvements à réaliser dans chaque salle du château. Au départ, c'était juste pour me venir en aide si jamais je devais tout reprendre depuis le début. A la fin, ça s'est transformé en dessin avec un gros dragon comme on en faisait en salle d'étude, au collège, entre deux exercices de math^^...


Note de bas de page non incluse avec l'illustration : *à la différence des autres versions arcade et consoles du jeu qui font dans l'aléatoire, on trouvera les salles toujours dans le même ordre, seul le sens de l'image change parfois **"bourrinage" veut dire qu'il est possible, conseillé, voire nécessaire, de taper l'action à répétition afin de déclencher la séquence d'animation suivante.
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BRAIN DEAD 13
1996 - Ready Soft
Modeste réparateur informatique, Lance s'est déplacé jusque dans un lugubre chateau pour réparer le super ordinateur du maître des lieux, le terrible Dr Nero Neurosis (un cerveau dans un bocal), sans se douter une seconde que les portes allaient se refermer derrière lui.

Le majordome Fritz, le bras armé du Dr, va se lancer à la poursuite du jeune réparateur devenu malgré lui le témoin gênant des plans diaboliques que fomente l'encéphale. Cette course poursuite sera le parfait prétexte pour traverser un labyrinthe de salles hantées par les créatures de la nuit...
Ready Soft, qui a converti sur les consoles de salon les grands succès d'arcade signés Don Bluth, se lance dans le grand bain en éditant cette production originale. Après l'Héroïc Fantasy de Dragon's Lair et le Space Opera de Space Ace, place à l'ambiance comico-horrifique avec un château hanté, des chauves-souris et des créatures gothiques remises au goût du délire.

Brain Dead 13 se présente donc comme un dessin animé interactif où il faudra choisir la bonne action au bon moment, c'est à dire appuyer sur le bon bouton à la seconde près pour déclencher la séquence suivante. Si bien sûr, on fait la moindre erreur, c'est la mort assurée... Et des erreurs dans pareil jeu, croyez-moi, on va en faire à la pelle !
Heureusement, les morts sont toutes tordantes, avec des effets bien cradingues ! Le héros subira en effet toutes les mutilations et tortures possibles : étouffé, incendié ou électrifié pour les morts les plus classiques, fondu à l'acide, lacéré, scalpé, démembré, décapité, tranché en fines lamelles pour les suivantes... La liste des morts est bien plus longue que dans Dragon's Lair et ne se répète quasiment jamais.
Le plus amusant dans cette histoire est qu'il n'y a pas une seule goutte de sang, ce qui crée un décalage parfois troublant entre "horreur" et "cartoon". Car assurément, si le sang avait été présent, le jeu aurait officiellement été intronisé comme le plus gore du monde !
La grande originalité de Brain Dead 13, brisant la linéarité induite par les films interactifs, est qu'on peut parcourir librement les salles du château par le biais de nombreux couloirs et escaliers.
Comme chaque rencontre est l'occasion d'une grande poilade, on prendra beaucoup de plaisir à se perdre dans les tréfonds du château. Entre autres pièges et petites bébêtes, on croisera ainsi un gros Frankenstein quaterback ou bien une belle Elvira (nommée Vivi), esthéticienne, dans des saynètes cartoons bien marrantes.

Conscients que Dragon's Lair pouvait décourager le joueur lambda avec sa difficulté hardcore, les programmeurs ont fait l'effort de rendre le jeu accessible à tous, en ouvrant toutes les vannes possibles. On a droit aux vies infinies, à la possibilité de sauvegarder à tout moment (sauvegarde qui disparaît néanmoins si l'on éteint la console) et au checkpoint dès qu'on termine une salle. Des sons distincts nous permettent également de savoir quand on a bien réussi l'action, ce qui facilite grandement le jeu.
Au final, quand bien même le jeu me paraissait labyrinthique -et donc retors au départ- , il est nettement plus facile que les références dont il s'inspire. D'autant plus facile qu'il n'est pas nécessaire de faire toutes les salles, il y a des raccourcis à prendre et plusieurs chemins possibles pour terminer le jeu.
Après 3 petites heures de jeu (et un boss final dément), défilait déjà le générique de fin. J'ai conscience qu'avoir fini Dragon's Lair et Space Ace m'a aguerri pour jouer à ce type de jeu, mais j'avoue avoir été surpris de le finir aussi vite. Malgré ça, l'envie d'y rejouer ne manque pas pour découvrir toutes les salles et tous les chemins possibles.
Graphiquement, la compression vidéo est un peu faiblarde : ça pixellise pas mal à l'écran et ça peut piquer nos petits yeux d'aujourd'hui, un peu trop habitués au full HD. C'est dommage car l'animation est vraiment excellente : fluide, dynamique, digne des productions de Don Bluth. Le style graphique fait plus série télé que celui qui officiait dans Dragon's Lair (disons qu'il est moins disneyen) mais il reste bien délire et très inspiré.

En bon cartoon horrifique, Brain Dead 13 se déguste saignant (même s'il n'y en a pas une goutte à l'écran).
Il offre une étonnante liberté d'aller et venir dans un genre d'habitude très cloisonné et une bonne humeur permanente. De grandes qualités qui compensent largement les quelques faiblesses du jeu : à savoir une absence de difficulté et une forte pixellisation.