LA SCENE INDE : SHOVEL KNIGHT | Article rédigé par Blondex |
L’essor des plateformes de téléchargement en ligne sur consoles et PC à compter du milieu des années 2000 a vu l’émergence de la scène indé : des petits studios, parfois composés d’une seule personne, ont ainsi accès à une distribution à grande échelle, pour des coûts d’entrée modestes. Avec les premiers succès (Cave Story, World of Goo ou encore Braid), une communauté des studios indé s’est créée. Et comme chacun des grands éditeurs du jeu vidéo disposent de mascottes (Mario, Sonic, Mega Man, Crash Bandicoot, Lara Croft, etc.), la scène indé s’est également trouvée ses fiers représentants.
Parmi tous ces personnages, c’est un chevalier armé d’une pelle qui s’est imposé comme l’une des plus grandes vedettes : Shovel Knight !
Le Barde vous propose sa sélection de musiques pour agrémenter votre lecture.
Avant le démarrage du projet Shovel Knight, il y a d’abord WayForward, un studio californien créé en 1990 agissant comme sous-traitant pour de nombreux éditeurs et adaptant de nombreuses licences, notamment pour les consoles portables de Nintendo. Le studio gagne une meilleure reconnaissance avec une production originale, Shantae sur Game Boy Color, et fait du pixel art 2D, des animations détaillées et des graphismes colorés ses marques de fabrique.
Lorsqu’il rejoint WayForward en 2006, Sean Velasco est à bonne école. Le designer et artiste collabore ainsi comme assistant directeur pour Contra 4 sur DS (2007). Mais son premier projet d’envergure pour le studio est le reboot d’A Boy and His Blob sur Wii (2009). Grand amoureux du jeu NES de 1989, Velasco pense que cette licence a toujours du potentiel pour séduire un nouveau public, et peut parfaitement correspondre à la direction artistique du studio.
Outre ce jeu, il collabore à différents postes sur de nombreux projets de WayForward. Les plus notables sont BloodRayne – Betrayal, Mighty Milky Way ou encore Double Dragon Neon, dont il est directeur de développement.
Sous ses airs de petit studio, WayForward est pourtant au début des années 2010 une entreprise de plutôt grande envergure qui compte plus d’une centaine de salariés, et poursuit principalement le développement de jeux sous licences (Aliens Infestation, DuckTales Remastered…), ses productions propres – certes de qualité – étant peu nombreuses (les séries Shantae et Mighty Switch Force).
Seulement, développer des jeux sous licence n’intéresse plus Sean Velasco, qui veut conduire un nouveau projet en ayant la possibilité d’en maîtriser la direction artistique et même la marque. Estimant qu’il ne pourra s’épanouir au sein de WayForward, Velasco part fonder Yacht Club Games en 2011, emmenant avec lui quelques membres du studio.
Dès la création du studio, l’objectif de la petite équipe de 5 personnes est d’obtenir un financement participatif via la plateforme Kickstarter, afin de garantir son indépendance mais aussi échanger avec sa communauté de backers. Si toutes sortes de projets (livres, films, séries, jeux vidéo, et même une console, la Ouya) ont déjà pu être financés de la sorte, celui de Yacht Club Games pourra alors lui aussi voir le jour, à condition de retenir l’attention.
La base de Shovel Knight réside dans une réalisation typée « rétro 8-bits » rappelant les productions NES dans ses graphismes comme dans ses musiques. Initiée avec Cave Story (2004) ou encore Mega Man 9 (2008), la vague du « neo-retrogaming », réhabilitant les réalisations tout en pixels des années 80, s’installe en effet sur la durée et devient un territoire apprécié des studios indé : Super Meat Boy, Fez, la série Bit.Trip ou encore VVVVVV rencontrent de vrais succès critiques et commerciaux. En 2013, un tel pari n’était toutefois pas nouveau et devait se démarquer pour ne pas être qu’une production nostalgique de plus.
L’idée majeure du gameplay consiste en un jeu d’action-plateformes, dans lequel le héros chevalier armé de son épée pourrait attaquer les ennemis en réalisant notamment une attaque basse directement inspirée du classique de la NES, Zelda II. L’idée suit son chemin, et si le héros peut attaquer ainsi ses ennemis, il pourrait également creuser ; il lui faut donc non pas une épée, mais une pelle ! Shovel Knight est né !
Outre Zelda II et aussi DuckTales, Velasco et son équipe brassent des influences NES qui ont souvent bercé leur enfance : le gameplay et le level design rappellent beaucoup Mega Man, alors que l’ambiance gothique de certains niveaux et l’utilisation d’armes secondaires tiennent plutôt de Castlevania, particulièrement la référence Dracula’s Curse.
Le projet désormais bien défini, Yacht Club annonce son jeu mi-mars 2013 avec un premier trailer, puis ouvre en même temps sa campagne Kickstarter en présentant l’univers, l’histoire et les premières réalisations en pixel art. L’objectif de financement est de 75 000 $, pour une sortie prévue fin 2013 sur PC, Wii U et 3DS.
L’équipe est en effet convaincue que Shovel Knight, par sa réalisation typée NES et ses inspirations, a vocation à sortir sur les consoles Nintendo du moment, d’autant qu’après ses années passées chez WayForward, Sean Velasco dispose déjà de bons contacts auprès de Nintendo of America.
Le pari va être rapidement payant : dès fin mars, le projet est financé, et Shovel Knight devient une réalité. Yacht Club promet alors de nombreux bonus pour glaner encore davantage de financement : 1, puis 2, puis 3 boss jouables ; une édition physique avec boîte et belle notice ; un mode Challenge ; ou encore un mode Bataille jouable à 4 joueurs, permettant même d’y jouer tous les boss.
Fin avril 2013, tous ces objectifs seront dépassés, et Shovel Knight recevra un financement total de 311 502 $… mais la fin de la campagne Kickstarter ne sera en fait qu’un début !
Chose promise, chose due : après un léger report, le jeu sort le 26 juin 2014 sur PC, Wii U et 3DS. Supporté (« greenlighté ») par les utilisateurs de la plateforme Steam, Shovel Knight est également mis en avant par Nintendo of America, qui voit d’un bon œil un studio indé aussi enthousiaste pour les consoles Nintendo. Alors que la version PC ne disposa à la sortie d’aucun bonus, la version Wii U exploite les fonctions du gamepad et bénéficia de l’implantation du réseau social Miiverse, tandis que la version 3DS est gratifiée de défis street pass que les joueurs peuvent s’échanger.
L'histoire démarre comme un jeu typique de la NES. Avec sa partenaire Shield Knight, Shovel Knight forme un duo d’aventuriers réputés. Un jour, alors qu’ils explorent la Tour du Destin, Shield Knight y est prise au piège par une amulette, et la tour est scellée. Sans espoir de pouvoir secourir son amie, Shovel Knight perd le goût de l’aventure, mais lorsque la maléfique Enchanteresse et son Ordre des Sans Quartier composé de 8 chevaliers apparaissent pour menacer la paix, la Tour du Destin est de nouveau ouverte.
Shovel Knight se décide donc à partir secourir Shield Knight et sauver le royaume de l’Enchanteresse, mais devra surmonter bien des épreuves et affronter bien des adversaires, dans une aventure entre humour et notes de poésie.
Le principe des 8 boss rappelle évidemment Mega Man, avec des chevaliers aux noms se finissant en « Knight », et aux caractéristiques collant à leurs identités : Polar Knight est le chevalier du froid ; Specter Knight règne sur un cimetière ; Tinker Knight construit des machines et rappelle Dr Wily, l’ennemi de Mega Man… On pourrait parfaitement imaginer des Polar Man ou Specter Man dans un jeu de la série classique de Capcom ! Shovel Knight ne retourne toutefois pas une arme dérobée à un chevalier contre un autre.
À ces 8 boss s’ajoutent le rival Black Knight (similaire au propre rival de Mega Man, Bass), ainsi que les 4 chevaliers errants conçus par des backers ayant financé suffisamment le jeu (mise de 1 000 $ minimum) pour devenir « directeur d’un jour ».
Autre atout annoncé dès la campagne de financement : le compositeur Jake « Virt » Kaufman a commencé à se faire un nom en collaborant avec WayForward, signant notamment les BO remarquées des séries Shantae et Mighty Switch Force. Il gagne véritablement une large reconnaissance avec les BO de Double Dragon Neon et DuckTales Remastered. C’est tout naturellement que Yacht Club Games fait appel à lui, en lui dédiant même le personnage du Barde.
Jake Kaufman signe la plupart des musiques de Shovel Knight en se restreignant au logiciel Famitracker pour proposer des airs aux sonorités NES, et fait appel à Manami Matsumae – la compositrice des musiques du premier Mega Man – pour 4 compositions (niveaux de Plague et Treasure Knight).
À la sortie, le succès est au rendez-vous. Particulièrement remarqué par la critique, Shovel Knight rend certes hommage aux meilleures productions NES, mais est aussi un jeu de son temps, proposant une difficulté loin d’être aussi punitive que ses références, et laissant au joueur le soin de corser le challenge s’il le souhaite – en détruisant les points de sauvegarde, ou en renonçant à toute forme d’aides.
Dans le sillage de l’enthousiasme généré par sa campagne Kickstarter et des excellents retours de la presse spécialisée, Shovel Knight figure immédiatement en tête de liste des différents stores. Le jeu dépasse ainsi dès la première semaine de commercialisation les attentes du studio, qui misait sur une fourchette de 30 à 60 000 ventes ; et avec 150 000 ventes au bout du premier mois, Yacht Club annonce pouvoir sereinement se focaliser sur la réalisation de tous les objectifs de la campagne de financement, et pourquoi pas, avoir encore plus d’ambition.
Rien ne relie a priori tous ces personnages... hormis Shovel Knight ! Le succès aidant, Sony comme Microsoft se sont montrés très intéressés pour accueillir le jeu en vogue de la scène indé. Alors qu’il ne s’agissait pas d’un objectif durant la campagne Kickstarter, Shovel Knight sort ainsi sur PS3, PS4, PS Vita et Xbox One en avril 2015.
Pour la version « Sony », Yacht Club – basé en Californie – entrent en contact avec un voisin, Santa Monica Studio, responsable de la série God of War. Le projet d’intégrer Kratos comme boss optionnel suscita d’ailleurs tant d’enthousiasme de part et d’autre que Cory Balrog – directeur créatif de Santa Monica Studio – révéla à la sortie de God of War « 2018 » que durant son voyage de la Grèce vers la Scandinavie, Kratos était bien passé par le monde de Shovel Knight ! Le cadre de l’affrontement entre les deux héros était aussi un indice laissé par Yacht Club Games sur la prochaine destination de Kratos.
Le studio a également cherché à proposer un bonus spécifique pour la version Xbox One (et plus tard Windows), en nouant des contacts avec Microsoft et le mythique studio Rare, qui collabore ainsi pour sortir les Battletoads de leur retraite ! Réputé pour sa (très) grande difficulté, le jeu de Rare sorti initialement sur NES en 1991 n’en reste pas moins culte et cadre parfaitement avec les inspirations de Yacht Club Games. C’est ainsi que les 3 héros batraciens interviennent comme boss dans une série de 3 épreuves reprises du jeu original.
En compensation pour Nintendo, Yacht Club produit fin 2015 un amiibo Shovel Knight, permettant de débloquer divers bonus (mode coopération – proposé plus tard sur les autres versions ; customisation de Shovel Knight ; nouveaux challenges…). Figurines Smash Bros mises à part, la série Shovel Knight est la première et à ce jour la seule issue d’un studio tiers à Nintendo à avoir proposé des amiibos. C’est aussi l’exemple le plus flagrant du merchandising qu’a déjà commencé à développer Yacht Club Games pour exploiter sa marque « Shovel Knight ».
L'ajout le plus consistant est cependant bien l’arrivée du premier boss jouable. Peu après la clôture de la campagne Kickstarter, les backers s’étaient vus proposer de choisir 3 boss parmi les 10 de l’Ordre des Sans Quartier, pour bénéficier ainsi de leurs propres aventures. Les 3 heureux élus seront dans l’ordre Specter Knight, Plague Knight et King Knight.
Plague Knight est donc le premier à ouvrir le bal en septembre 2015, avec une campagne alternative à celle de Shovel Knight : Plague of Shadows. Velasco comptait en effet proposer pour chaque boss jouable une histoire spécifique faisant intervenir d’autres personnages, tout en proposant quelques défis supplémentaires.
En matière de gameplay, le petit alchimiste au masque vert se manie très différemment du héros, obligeant le joueur à repenser la progression dans les niveaux qu’il a découverts avec Shovel Knight. Lançant des explosifs en associant diverses poudres pour obtenir des effets différents (tirs en cloche, bouclier…), Plague Knight peut charger son saut pour être propulsé en hauteur et en longueur. Plus frêle et reculant davantage à chaque coup reçu, ses aptitudes spécifiques sont également mises à plus rude épreuve pour de courtes séquences supplémentaires, lui permettant d’acquérir ensuite de nouveaux pouvoirs.
Ce maniement plus expert a initialement incité Yacht Club à ne faire débloquer Plague of Shadows qu’une fois le jeu principal terminé. Il s’agit aussi d’une histoire alternative durant laquelle Plague Knight poursuit son rêve de créer la potion ultime en réunissant les essences des chevaliers, pendant que Shovel Knight accomplit sa quête.
La tonalité de l’aventure est plus légère : le personnage de Plague Knight est plutôt méchant par nature et ne se révèle pas tendre avec ses sous-fifres, ainsi que ses compagnons de l’Ordre des Sans Quartier. Son aventure ne manque pour autant ni d’humour grâce à ses remarques sarcastiques, ni – plus surprenant – de romantisme. Il rencontre également un Shovel Knight pas aussi héroïque que celui que les joueurs ont connu.
Quand d’autres promettent un personnage supplémentaire posé là comme ça, Yacht Club a donc véritablement offert aux joueurs une aventure sensiblement différente pour justifier de revenir une fois encore sur les terres de Shovel Knight !
Annoncé comme le prochain personnage, Specter Knight semble se lancer – tout comme Plague Knight – dans une nouvelle campagne alternative à celle de Shovel Knight lors de sa toute première présentation mi-2016.
C’est toutefois avec la sortie imminente de la Nintendo Switch en mars 2017 que Yacht Club Games annonce le portage de Shovel Knight dès la sortie de la nouvelle console, et révèle que la 3ème campagne, Specter of Torment est un jeu finalement bien à part.
Avec cette annonce, Shovel Knight gagne sur Switch comme sur tous les autres supports un sous-titre, Treasure Trove, impliquant que le projet initial constitue désormais une compilation. Preuve en est, Specter of Torment est même proposé en stand alone dès la sortie de la Switch, puis un peu plus tard sur PS4 et PC.
La quête de Specter Knight est ainsi une préquelle revenant sur la formation de l’Ordre des Sans Quartier par l’Enchanteresse, mais également la propre histoire à la tonalité plus sombre du personnage. Specter Knight n’est pas encore le boss que vous croiserez dans la campagne de Shovel Knight, et n’est que le serviteur de l’Enchanteresse, chargé de lui trouver de nouvelles recrues.
Maniant la faux – en l’utilisant aussi pour trouver des appuis en l’air et même glisser sur des rails – et capable de courir un bref instant sur les murs, Specter Knight dispose d’un gameplay qui diffère encore plus que celui de Plague Knight. Constatant que les niveaux originaux ne sont plus suffisamment adaptés pour ce personnage, Yacht Club décide donc de revoir complètement le level design et exploiter au mieux le nouveau gameplay.
Les décors changent aussi quelque peu : le niveau introductif se déroule la nuit, préparant le joueur à une ambiance plus gothique. De même, Jake Kaufman a repris la quasi-intégralité des musiques pour proposer des variations plus adaptées à la tonalité de cette aventure.
L’annonce d’un jeu aussi différent pouvait surprendre, d’autant que les joueurs auraient déjà été très heureux de bénéficier d’une nouvelle campagne aussi soignée que celle offerte par Plague of Shadows. Pour les premiers acquéreurs, fallait-il pour autant passer à la caisse pour profiter de cette nouvelle campagne ? Yacht Club Games va assurer que non, garantissant aux fidèles de la première heure de bénéficier gratuitement de Specter of Torment via une mise à jour un peu plus tard dans l’année, et ce, alors même que Treasure Trove a vu son prix augmenter.
Il ne reste plus qu’une campagne pour compléter le coffre à trésor du projet Shovel Knight, et comme annoncé, il s’agit de celle de King Knight, considéré comme le boss le plus facile. À la vue de ce personnage massif à l’égo surdimensionné, obsédé par les dorures et le pouvoir, l’équipe fait rapidement le rapprochement avec un personnage irrévérencieux de l’univers Nintendo : Wario ! S’il n’a pas les manières rustres de ce dernier et s’exprime constamment en employant le pluriel de majesté, King Knight n’a de roi que le titre qu’il s’est lui-même donné.
King of Cards se présente à son tour comme une préquelle de la campagne principale de Shovel Knight, et même une préquelle à Specter of Torment. L’anti-héros n’a en effet pas encore conquis son propre royaume, et ce sera là l’objet de sa quête. Lorsqu’il a vent des rumeurs concernant un jeu de cartes – le Joustus – qui fait fureur dans le royaume, King Knight voit là l’occasion de briller, aidé par sa « môman » ainsi que de nombreux PNJ qu’il méprise plus ou moins ouvertement. S’il est reconnu champion par les juges du Joustus, il deviendra le Roi des Cartes !
Yacht Club Games est allé ici encore plus loin dans sa volonté de dynamiter le jeu initial : alors que l’on peut trouver encore quelques similitudes entre Specter of Torment et la quête de Shovel Knight, King of Cards présente une progression radicalement différente, avec des niveaux plus nombreux mais aussi plus courts ; et aucune obligation de tous les terminer, ni même de jouer une seule fois au Joustus.
Inspiré notamment par le Triple Triad, un mini-jeu inclus dans Final Fantasy VIII, le Joustus est donc… un jeu de cartes. Mais vous ne jouerez pas n’importe où aux cartes : il y a des maisons pour cela ! Remporter des parties de Joustus vous donne un peu d’argent ainsi que des médailles à échanger contre des objets importants, ce qui mérite sans doute d’y consacrer un peu de temps, et aussi trouver des cartes plus puissantes parmi la grosse centaine à collectionner… D’autant que pour les plus complétistes, un boss secret les attend s’ils parviennent à vaincre tous les adversaires au Joustus !
Mais King of Cards ne se résume pas à ce jeu de cartes. Le Joustus a-t-il même une réelle importance pour King Knight, et la récompense dépassera-t-elle ses plus folles espérances ?
Annoncé en août 2017, King of Cards est initialement prévu pour début 2018, mais après un an sans nouvelles, le jeu voit sa date de sortie repoussée à avril 2019, puis décembre 2019 comme mise à jour, ainsi qu’en stand alone sur PC, PS4 et Switch. Il fallait en effet assurer dans le même temps le développement du mode Bataille promis et proposer l’édition définitive de Treasure Trove en physique, ce qui explique pourquoi Yacht Club avait autant décalé sa dernière extension.
Lors de la campagne de financement, Sean Velasco admet ne pas avoir eu à ce moment-là une idée bien précise de ce que le mode Bataille proposerait. Au fil du développement, l’équipe a souhaité en faire davantage qu’une curiosité vite jouée et vite oubliée, mais bien un mode complet auquel les joueurs reviendraient pour le fun.
Pour le gameplay, le mode Versus « à la Mario Bros » contenu dans Super Mario Bros 3 est une source immédiate d’inspiration, auquel s’ajoute celle – également évidente – de Super Smash Bros. Yacht Club s’était mis une pression supplémentaire en annonçant comme dernier objectif de campagne de rendre tous les boss jouables dans ce mode Bataille. Le roster va même s’étendre au-delà des 10 boss de l’Ordre des Sans Quartier, pour intégrer Shield Knight que les fans attendaient, mais aussi les 4 chevaliers errants, 2 ennemis communs, ainsi qu'un PNJ issu de Plague of Shadows (Mona, l’alliée de Plague Knight).
Au total, Shovel Knight propose dans Showdown 20 personnages et 30 arènes, mais aussi différentes règles : collecte de gemmes, inspirée du Versus de Mario 3 ; nombre de vies limité ; plus grand nombre de victoires dans le temps imparti ; et même un mélange aléatoire des différentes règles pour ajouter encore plus de bazar.
À ce stade, il s’agit évidemment d’un jeu à part entière. Outre le mode Bataille taillé pour le multi, chaque personnage dispose également de sa propre histoire. Sans compter qu’à la manière d’un Smash Bros, le contenu ne vous est pas offert sur un plateau, avec un nombre important de secrets à débloquer (personnages, arènes cachées, couleurs additionnelles, et même des costumes alternatifs pour certains combattants…).
Showdown vient ainsi s’ajouter à Treasure Trove comme mise à jour gratuite. Pour des raisons techniques (sans doute de lisibilité à l’écran), ce jeu ne sera pas proposé pour les versions 3DS et Vita, d’où sa sortie en stand alone sur Switch, PS4 et PC, afin de permettre aux possesseurs des versions portables d’y jouer sans avoir à acheter de nouveau le jeu complet.
Avec la fin du projet, Shovel Knight – Treasure Trove n’est plus du tout le jeu de 2014, renommé par ailleurs en 2019 Shovel of Hope et finalement proposé de nouveau en stand alone sur PC et Switch. Et si on reprend l’ensemble des objectifs de la campagne Kickstarter, toutes les promesses ont été remplies. Au-delà de ce qu’avait initialement prévu le studio, le jeu a même dorénavant dépassé le cap des 2,5 millions de ventes, ce qui constitue un des plus gros succès indé.
Après 5 années passées sur Shovel Knight – Treasure Trove, Yacht Club Games n’a aucunement l’intention de ranger la pelle au placard ; c’était en effet le souhait initial de Sean Velasco de créer plus qu’un jeu, mais bien une franchise. En 2019, la licence est accordée à Panda Cult Games pour la création d’un jeu de plateau, Shovel Knight - Dungeon Duels, dont la campagne de financement sur Kickstarter a été elle aussi couronnée de succès.
Pour ce qui concerne les jeux vidéo, Shovel Knight est confié à d’autres studios, avec qui Yacht Club collabore. C’est avec Vine, un développeur travaillant en solo, qu’est ainsi lancé fin 2021 le premier véritable spin-off, Pocket Dungeon, un puzzle-game s’inspirant des concepts de Puyo Puyo pour la réalisation ronde et colorée, et Wario’s Woods pour le gameplay.
Dans ce mélange unique entre puzzle-game et roguelite, on retrouve également – comme boss mais aussi héros sélectionnables – de nombreux personnages apparus dans Shovel Knight ainsi que quelques nouveaux conçus pour l’occasion.
Yacht Club a également contacté Nitrome – un studio londonien de taille similaire, longtemps spécialisé dans les jeux sur navigateurs, Facebook et smartphones – pour co-développer Shovel Knight Dig, sorti en 2022. Avec sa jolie réalisation d’inspiration 16-bits, ce jeu a été perçu un peu trop rapidement comme une suite, alors qu’il s’agit bien d’une production typée arcade et roguelite, dont le principe est de descendre toujours plus profondément sous terre, tout en terrassant ennemis et boss.
L’avenir de Yacht Club Games ne se limite toutefois plus à Shovel Knight. Avec l’aboutissement de son projet initial, Yacht Club Games a grandi et a vu ses moyens s’accroître. Le petit studio est ainsi devenu éditeur, apportant son soutien à d’autres productions indé (à commencer par Cyber Shadow).
Le studio se lance aussi dans un nouveau jeu d’aventure-action « à la Zelda », avec une réalisation typée Game Boy Color : Mina The Hollower. Un projet évidemment lancé – avec un succès immédiat – sur Kickstarter !
Est-ce à dire que Yacht Club finisse par ranger la pelle de son emblématique chevalier au placard pour quelque temps ? Que nenni ! Outre les DLC (toujours gratuits) pour Pocket Dungeon et Dig, les 10 ans de Shovel Knight ont été dignement célébrés avec l'annonce en 2024 d'un projet "Shovel Knight 2" qui pourrait prendre le virage de la 3D, ainsi que d'un remaster de l'aventure originale, Shovel of Hope DX, qui permettra d'incarner tous les personnages apparus dans le spin-off Showdown et de profiter de certains bonus parfois exclusifs à certaines versions... entre autres surprises qu'on espère nombreuses.
Shovel Knight a accepté de (très) nombreuses invitations pour apparaître dans d’autres jeux : si vous êtes amateur de productions indé, vous avez ainsi de fortes chances d’avoir croisé la route du chevalier comme PNJ, élément de décor, voire comme adversaire… et même personnage jouable ! Une liste de ses nombreux caméos figure sur le site officiel de Yacht Club Games, mais son apparition la plus remarquée n’en reste pas moins celle dans Super Smash Bros Ultimate.
Revers du succès, certains ne manquent pas de railler ces apparitions, soulignant non sans un peu de mauvaise foi que Shovel Knight est jouable dans plus de jeux que sa propre série. Les caméos constituent aussi une pratique répandue dans la scène indé, déjà bien avant Shovel Knight (par exemple, dans Super Meat Boy), renforçant le sentiment d'appartenance à une communauté de studios.
Si Shovel Knight occupe le haut du panier de la scène indé, cela tient d’abord à la qualité du jeu original, sa réalisation à la fois nostalgique et moderne, son gameplay irréprochable offrant une grande rejouabilité ; mais aussi à son univers riche construit au fur et à mesure du développement des différentes campagnes, qui va conquérir une importante communauté de fans. Rarement jeu n’aura en effet bénéficié d’un suivi aussi long, avec de véritables extensions offertes aux premiers acquéreurs… au point que nombre d’entre eux ont pu avoir oublié de disposer gratuitement de tout ce contenu !
Tout comme le studio Yacht Club Games, Shovel Knight est bien parti pour s’installer durablement dans le paysage vidéoludique, et porter fièrement l’étendard des jeux indé !