Disponible à peine après l'E3 2018, Captain Spirit est une sorte de prologue gratuit faisant ouverture à la très attendue saison 2 de Life is Strange, l'énorme succès inattendu du studio français Dontnod. Après un "Before the storm" pas très subtil et réalisé par un studio-tiers américain pour patienter, Life is Strange entame sa véritable saison 2 en retournant vers ses créateurs, Michel Koch et Raoul Barbet. On y joue un jeune garçon de 9 ans, Chris, vivant seul avec son père dans une très modeste maison. Chris vit dans son monde imaginaire, peuplé de super héros de BD, et tente de composer avec une situation familiale très difficile, menant à un sujet souvent tabou dans le jeu video : la violence domestique et l'alcoolisme. Si ludiquement, le jeu s'avère plus limité et contemplatif, on a tout de même une replay value intéressante en voyant l'impact de quelques choix dont nous avons le contrôle. Très bien mis en scène, bercé par la musique des compositeurs de la saison 1, on retrouve immédiatement les sensations passées avec Max. Beaucoup de clins d'œil d'ailleurs, et compléter la "map" prendra un peu de temps. Encore un peu faible niveau dialogue, mais on va pas chipoter !

Derrière le masque de Captain Spirit, se cache une petite aventure introductive à Life is Strange 2, aussi inattendue qu’agréable. Un joli cadeau que nous offre (pour de vrai) le studio Dontnod, et dont le soin apporté à la réalisation fait même oublier qu’il s’agit d’une opération marketing. En ce samedi matin enneigé quelque part dans l’Oregon, la journée du jeune Chris s’annonce des plus mornes. Vivant avec un père à la dérive, le garçon se réfugie dans un monde imaginaire où il est un super-héros, maître dans l’art de la télékinésie. Grâce au super pouvoir de son imagination, il s’est fixé de nombreux défis pour égayer cette journée… mais la réalité de Chris est en fait bien triste. En me faisant entrer dans l’imaginaire de ce garçon, ce petit jeu sonne juste, tant les aventures de son alter ego Captain Spirit rappellent ma propre capacité d’imagination au même âge. En parallèle, de nombreux éléments d’histoire tombent comme un cheveu sur la soupe et n’étaient pas nécessaires pour apprécier « l’aventure », mais peu importe ! Dans le prolongement du premier Life is Strange, Dontnod n’a pas perdu sa capacité à partager des moments contemplatifs, agrémentés de jolies musiques.

Jeu gratuit, prologue de Life is Strange 2, démo pour faire patienter les fans, difficile de parler des aventures du Captain Spirit sans évoquer ma petite frustration, au départ, devant un coup d'essai. Le jeu ne se finit pas, il s'ouvre vers d'autres chemins, vers d'autres histoires. Et pourtant cette petite capsule temporelle -une poignée d'heures dans la vie d'un gamin de 10 ans, partagée entre sa maison et son jardin enneigé- est parvenue à me toucher par sa justesse. C'est un regard sur l'enfance à hauteur d'enfant, qui fait de l'imagination le premier, et le plus estimable des Super-Pouvoirs, et qui n'idéalise rien, bien au contraire. C'est dans cette volonté de traduire au mieux le quotidien du petit bonhomme (la souffrance côtoie la joie), qu'on reconnait le talent d'équilibriste de Dontnod : l'expérience ne tombe jamais dans le pathos et se teinte d'une belle mélancolie. Une expérience précieuse et éphémère comme un souvenir d'enfance.