
J'ai retrouvé un brouillon sur la série Assassin's Creed. C'est inachevé. Chaque jeu méritant un dossier à lui tout seul (car chaque période historique traitée par le jeu est propice aux infos), ce que wikipedia fait très bien, j'ai vite abandonné. Ce n'est que le début et à deux doigts du premier jet en plus, il y aurait plein de choses à revoir si je devais le reprendre, mais il y a des pistes à creuser.
Emblématique, Assassin's Creed est une pure saga du vingt-et-unième siècle. Une saga moderne, ambitieuse, dotée d'un background fascinant et d'un gameplay qui, malgré les critiques, a fait ses preuves.
Qu'elle soit bonne ou mauvaise, l'évolution des Assassin's Creed est le reflet des impératifs actuels de l'industrie vidéo-ludique, où d'année en année, une société comme Ubi Soft se doit de sortir son blockbuster griffé du Credo, avec obligation de succès en forme de raz-de-marée, tant les investissements mis en jeux sont énormes.
Au risque de décevoir, de lasser, la saga arrive bon gré mal gré à susciter l’événement, à susciter l'intérêt. Jusqu'au prochain épisode ?
Retour sur cette saga en trois actes...
ACTE I - synchronisation des données.
Altaïr doit tout à Prince Of Persia
En rachetant la licence du mythique Prince Of Persia de Jordan Mechner, Ubi Soft a sans le savoir permis à une des sagas les plus vendues à ce jour de voir le jour. Car sans Prince Of Persia pas d'Assassin's Creed.
Au début des années 2000, la saga Prince Of Persia a en effet permis à Ubi Soft de rentrer dans la cour des grands avec des épisodes ambitieux, qui réhabilitait cet Orient empli de magie, innovant en matière de gameplay. Outre la fabuleuse possibilité de rembobiner le temps, on jouait les funambules et les trapézistes dans des passages jouissifs de pures plates-formes et d'escrime. Si on regarde le premier Assassin's Creed, on retrouve le fantôme de Prince of Persia partout, que ce soit dans les catacombes, sur les toits ou à chaque coin de rue. Même aisance à enchaîner sur la pointe des pieds les obstacles, mêmes passes d'arme avec des soldats et même vélocité entre deux corniches. Et je ne parle même pas des ambiances.

La filiation est évidente, or Assassin's Creed se démarque de la saga du Prince sur deux points, deux points majeurs qui donnent toute la coloration à la saga : l'infiltration, avec des cibles à assassiner en toute discrétion et l'Histoire en toile de fond, celles des livres, celles qui à coup de dates et de batailles lointaines nous assommaient en cours au Collège.
L'idée n'est pas de vivre une aventure rêvée, comme celle du Prince of Persia de 2008, mais bel et bien de nous immerger au cœur d'un contexte précis : les croisades du Xième siècle, la renaissance italienne du XVIème, la piraterie au cœur des Caraïbes, les révolutions américaine et française... En étant soi-même un acteur de l'Histoire.
Le Passé comme terrain de jeu
Faire le Yamakasi, se fondre dans la foule, capuche baissée, dans le Damas grouillant du temps des Croisades. Le Passé est un véritable terrain de jeu, un Parkour pour free-runner en costume. Les villes sont en ce sens très fidèlement reproduites.

S'aidant du travail des historiens, on sait qu'Ubi Soft a fourni un travail considérable sur le background de ses jeux. Effort de réalisme dans la reconstitution historique des villes, mais aussi pour être le plus fidèle possible aux modèles des armes, des costumes, aux bios des personnages historiques, aux us et aux coutumes des citoyens lambda.
Revisiter l'Histoire sans la dénaturer est un exercice périlleux, et peut faire débat car on est dans les représentations. On se représente l'Histoire. Les Croisades du Xieme siècle interviennent dans un contexte inter-religieux délicat, qui fait encore écho aujourd'hui, sans parler de certains hommes politiques qui contestent la vision manichéenne qu'à Ubi Soft sur la Révolution française.
Or Assassin's Creed est un jeu-vidéo qui n'a pas la prétention de remplacer le programme d'Histoire. Non, comme un bon roman historique ou un film à costumes, les développeurs s'en servent comme toile de fond pour raconter des histoires. Celles des Assassins et des Templiers, des acteurs anonymes de l'Histoire.
Hormis l'add-on du Roi Washington pour le III, une des rares fantaisies de la saga, on est très loin des uchronies en vogue aujourd'hui car les Assassins comme les Templiers ne modifient pas l'Histoire tel qu'on la connaît, il l'accompagne, la suit de près, en étant complices ou antagonistes des figures historiques. Ainsi Ezio croise les Borgias, les assassinant un à un. Mais les actes des Borgias dans l'Histoire avec un grand H n'ont pas été entravés. Connor reste un témoin actif de la Révolution Américaine, côtoyant les futurs présidents que sont George Washington ou Benjamin Franklin. Kenway reste lui un allié à Barbe Noire mais ne peut changer sa destinée.
la science-fiction pour faire le lien entre les passés
Se tramant sur cette toile de fond qu'est l'Histoire, la recherche d'objets aux origines extra-terrestres et aux pouvoirs dévastateurs, disséminés à travers le monde anime un conflit millénaire entre Templiers et Assassins. Lien avec le présent, ce conflit perdure encore aujourd'hui, les hackers terroristes prenant le rôle des gentils Assassins et la multinationale Abstergo, celui des méchants Templiers.
Le personnage moderne de Desmond Miles, notre principal avatar, est ainsi le descendant d'Altaïr, d'Ezzio, de Connor soit le lien avec le passé et les 5 premiers jeux de la saga : episode I, II, brotherhood, révélations et III.
L'histoire d'Assassin's Creed se joue donc sur deux niveaux : le présent et le passé. Comme prétexte aux escapades dans les temps anciens, on a donc droit à des phases dites modernes, dans un présent plus ou moins proche, où la technologie permet non pas de voyager dans le temps mais de sonder les souvenirs de nos ancêtres.

Dans le premier épisode, Desmond Miles est l'objet d'expériences secrètes visant à lui arracher des souvenirs par une organisation nommée Abstergo. Non pas ses souvenirs personnels mais bien ceux de son ancêtre Altaïr, grâce à l'Animus, une machine qui parcourt au plus profond de son cerveau sa mémoire génétique. Desmond est donc tenu, sous la menace, de synchroniser sa mémoire avec celle d'Altaïr.
Il doit re-vivre les mêmes gestes, avoir la même réussite que celle de son ancêtre. Ce qui peut paraître de prime abord légérement tiré par les cheveux s'avère au final assez ingénieux. Car la synchronisation rend crédible tous les éléments extra-diégétiques propres au jeu vidéo, comme la barre de vie, le temps limité pour certaines épreuves, les checkpoints et même les murs infranchissables protégeant des zones qui ne sont pas présentes dans les séquences de souvenirs. En allant plus loin dans cette réflexion, on peut même estimer que la synchronisation "déconne" lorsqu'il y a des bugs (qu'ils soient volontaires...ou involontaires).
La mort, ou l'échec d'une mission met par contre fin à la synchronisation. C'est une manière comme une autre de simuler le Game Over et de retenter la même séquence indéfiniment. Sans mettre fin à la partie, la synchronisation peut aussi s'avérer incomplète si l'on n'a pas, par exemple, accompli tous les objectifs secondaires.
dé-synchronisation annnoncée
Et pourtant, là vient l'une des premières limites atteintes par la saga, qui en multipliant les épisodes s'est un peu perdu en cours de route.

Avec la fin de la trilogie Ezio et l'épisode III, on perd ce qui maintenait l'intérêt pour les phases modernes. Le récit passablement alambiqué du Révélations (lequel porte d'ailleurs très mal son titre) ont échaudé une majorité de joueurs au point de ne plus considérer l'histoire de Desmond comme primordiale. Même si tout était prévu ou méthodiquement préparé, la sensation à partir de cet épisode, (les épisodes suivants m'ont d'ailleurs confirmé ce que je pressentais) est que le scénario est totalement improvisé, les scénaristes lançant des pistes en l'air au petit bonheur la chance, sans finalité.
Les flashbacks de la vie d'Altaïr font d'ailleurs un lien maladroit avec le premier épisode. Et la tentative opportuniste de faire passer la prévision de fin du monde de 2012 comme une prévision extra-terrestre ne relève pas le niveau. La fin de l'arc narratif "Desmond Miles" dans le III créé aussi d'avantages de problèmes aux futurs scénaristes, qu'elle ne répond aux questions des joueurs, de plus en plus perplexes.

L'épisode de la Ps Vita, Liberation, suivi d'Assassin's Creed IV - Black Flag introduisent, eux, une pirouette assez déroutante, qui finira d'ailleurs par rendre hermétique bon nombre de fans aux conflits modernes entre les Templiers et les Assassins. Abstergo est devenu une société de jeux-vidéos (!) commercialisant pour le grand public les mémoires des Assassins (!?). Désormais, la vue est à la première personne et nous avons la chance de faire partie de l'équipe d'Abstergo, de faire la taupe pour les Assassins, et de tester les mémoires des ancêtres Assassins. Ces phases modernes, anecdotiques, se bornent finalement à n'être que de courtes respirations entre chaque chapitre se déroulant dans le passé.
Heureusement, la mise en abîme avec le monde du jeu vidéo s'avère distrayante, Abstergo ressemblant, (est-ce une bonne chose ?), de plus en plus à Ubi Soft.
(Suivait ensuite l'Acte 2 sur le gameplay et son évolution... je n'ai pas eu la force de continuer)